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1843
Découverte de squelettes à Lostmarc'h

par Paul du Chatellier


    Dans le bulletin de 1890 de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord dont il fait partie, l'archéologue Paul du Chatellier (photo ci-contre) rend compte d'une visite faite au Musée de l'Ecole de Médecine de Brest en compagnie d'un médecin très intéressé par un crâne trépané découvert dans une nécropole, à Lostmarch, plus de 40 ans auparavant.

 

En février 1843, à 200 mètres environ du rivage de la mer, dans l'anse de Lostmarc'h ou Locmarc'h, commune de Crozon (Finistère), une tempête, balayant un terrain sabloneux, découvrit quelques squelettes au milieu desquels il fut recueilli un petit bronze portant à l'endroit le buste de Rome avec, sans doute, la légende Urbs Roma et au revers la louve allaitant Romulus et Rémus, monnaie de date incertaine qui doit être attribuée à Constantin ou à ses fils.

Cette découverte arrivant aux oreilles de M. de La Chapelle, alors sous-préfet de Châteaulin, celui-ci nomma une commission, de laquelle fit partie M. de Fréminville, pour pratiquer des fouilles en cet endroit.

Le 20 septembre 1843, cette commission, qui ne me paraît pas avoir été très pressée dans ses recherches, puisque la découverte des squelettes avait eu lieu en février, se réunit sur les lieux et commença des fouilles.

Nous avons sous les yeux le rapport qu'en publia M. de Fréminville dans le numéro du 15 octobre 1843 de la Revue Bretonne, éditée à Brest. Voici ce que nous relevons.

Les squelettes étaient ensevelis sous une légère éminence de forme à peu près elliptique, pouvant avoir de 10 à 11 mètres dans son plus grand diamètre. Malheureusement M. de Fréminville ne nous dit pas si cette éminence était naturelle ou artificielle, ce qu'il eut, pourtant, été intéressant de savoir. Mais laissons-lui la parole et reproduisons les termes de son rapport :

 

« La fouille a d'abord fait découvrir à six décimètres de profondeur, environ, un grand nombre de squelettes humains, rangés sur des lignes parallèles et serrées. Mais ces corps ne se trouvaient cependant pas posés précisément à la file l'un de l'autre ; ils étaient disposés un peu obliquement et de manière que la tête de chacun d'eux se trouvait placée à la hauteur des genoux de celui qui le précédait.

» Tous ces squelettes, à l'exception d'un seul, dont nous reparlerons ci-après, étaient étendus sur le dos et dans toute leur longueur, les bras allongés de chaque côté du tronc, et les mains se réunissant sur la partie inférieure du ventre. Mais une particularité bien singulière, et que je ne sache pas avoir été observée ailleurs, c'est qu'afin de leur maintenir la tête, le visage en haut, et comme dirigé vers le ciel, on l'avait assujettie entre deux grosses pierres plates, placées de chaque côté contre les tempes. Les pieds étaient aussi assujettis entre deux pierres, mais de dimensions moindres.

» Ces squelettes, d'après l'examen des os et des dents, ont été reconnus pour avoir appartenu en général à des hommes de l'âge de 20 à 30 ans. Nous en avons découvert quelques-uns de l'âge de 16 à 18 ans et d'autres qui n'étaient que de jeunes enfants de 7 à 12 ans. Ces derniers étaient plus particulièrement rassemblés vers l'extrémité est des sépultures. Parmi tant de débris humains, quelques-uns, d'après la compression de leurs crânes et l'évasement des os du bassin, m'ont paru avoir appartenu à des individus du sexe féminin.

» Des squelettes de vieillards, très âgés, puisque les alvéoles de leurs mâchoires étaient tout à fait oblitérées, ont également été reconnus, mais en très petit nombre.

» Nous avons dit que parmi ces corps étendus sur le dos, il s'en est trouvé un seul qui avait été posé sur le ventre et le visage en bas : c'était celui d'un homme dans la force de l'âge ; mais son crâne nous a offert une particularité fort extraordinaire. Il avait, à la partie postérieure du sinciput, une ouverture parfaitement circulaire, du diamètre d'une pièce de cinq francs. La netteté des bords de cette ouverture, leur égalité, ne permettent pas de s'arrêter à l'idée d'une fracture produite par un choc violent et qui aurait brisé le crâne. Il est bien difficile d'expliquer comment a pu être faite cette trouée, aussi régulière que si elle eut été due à un trépan, instrument et opération assurément inconnus des anciens.

» Il est important de faire remarquer que les têtes de tous les squelettes étaient constamment dirigées vers l'occident. Les corps paraissent avoir été déposés simplement à nu dans le sable, sans aucune espèce de sarcophage, de cercueil ou même de linceul.

» En mettant à découvert tous ces antiques cadavres, nous avons trouvé une seule petite médaille romaine à l'effigie de l'empereur Tétricus.

» Tout contre le point où reposaient tant de débris humains (1), et du côté nord, on a mis à découvert une construction en grosses pierres brutes, en forme de parallélogramme, ayant huit mètres de longueur de l'est à l'ouest sur cinq mètres de largeur du nord au sud, dont les fondations reposaient sur le sable. Dans l'intérieur de ce parallélogramme, on a découvert également des traces de constructions grossières .en zigzag et en diagonale, en pierres brutes reposant également sur le sable. »

Au nord de ces constructions, dit M. de Fréminville, dans la relation de ses fouilles, on n'a plus rencontré d'ossements; mais il a été mis au jour une hache en pierre très dure, longue de 35 centimètres. Enfin, à cent mètres au sud, il fut trouvé un alignement de très gros blocs de pierres.

 

Voilà les faits. Quant au reste du rapport de M. de Fréminville, ce sont des appréciations personnelles. Nous y renvoyons le lecteur désireux de les connaître. Depuis 1843, l'anthropologie et l'archéologie préhistorique ont fait trop de progrès pour que nous puissions les admettre.

Bien peu de chose a été conservé des fouilles du 20 septembre 1843. Cependant trois crânes, en provenant, et quelques ossements sont déposés au Musée anatomique de l'École de Médecine navale de Brest (2). Au nombre de ces crânes est heureusement celui signalé par M. de Fréminville comme ayant « à la partie inférieure du sinciput, une ouverture parfaitement circulaire ». C'est de lui que nous allons nous occuper.

En janvier 1889, passant quelques jours à Brest, M. le docteur A. Corre, auteur de divers travaux sur l'anthropologie et l'ethnographie, travaux appréciés comme ils le méritent du monde savant, me signala la présence au Musée de l'Ecole de Médecine de Brest des trois crânes donnés par M. de Fréminville, provenant des fouilles de Crozon. Il m'offrit d'aller les voir avec lui, attachant à mon opinion, sur l'ouverture pratiquée sur l'un d'eux, une importance qu'elle n'a certes pas.

M. le docteur A. Corre y voyait une trépanation préhistorique. Dès que j'eus le crâne en mains, je me rangeai à son avis. C'était là une pièce très importante et nous prîmes le soin, avant de nous retirer, de la signaler tout particulièrement aux bons soins de M. le docteur Guyot, conservateur actuel des collections de l'École de Médecine de Brest. [...]

Les trois crânes déposés, par M. de Fréminville, au Musée de Brest, sont incontestablement de la plus haute antiquité.

Il ne faut pas en effet s'arrêter à la petite monnaie de Tétricus, recueillie dans la fouille du 20 septembre 1843, pour leur fixer une date, car alors il faudrait aussi regarder comme des monuments dressés par les Romains, tous les dolmens où ont été recueillies des monnaies romaines.

Le lieu où ont été exhumés ces squelettes n'est qu'à une soixantaine de mètres d'une parcelle « où on a trouvé, dit la relation de la fouille, presqu'à fleur du sol, une grande quantité de fragments de poteries et quelques briques plates. Parmi les fragments de poteries, il y en avait de trois natures différentes : les premiers, et les moins nombreux, étaient d'une pâte très fine, enduite de ce beau vernis rouge qui caractérise les poteries romaines ; les seconds étaient d'une pâte rougeâtre plus grossière et sans vernis ; les troisièmes, enfin, et c'étaient les plus nombreux, étaient de cette pâte grise d'argile mêlée de sable de mica et de beaucoup de graviers quartzeux, bien reconnus pour appartenir à la céramique celtique ».

L'extrait que nous venons de citer prouve que près du lieu d'inhumation était un établissement romain, et cet établissement était important ; car depuis les fouilles de 1843 il y a été recueilli de nombreuses monnaies romaines en bronze et en argent, dont beaucoup sont entrées dans nos collections, des fragments d'une statue en bronze, de nombreuses poteries romaines et des sépultures isolées bien caractérisées pour appartenir à cette époque. Rien donc d'extraordinaire qu'un ou deux petits bronzes romains, à une époque indéterminée, soient arrivés jusque sur le monticule, où avaient été faites les inhumations qui nous occupent, et aient pu, au moment des fouilles ou même avant, vu leurs très petites dimensions, glisser jusques aux squelettes; ou encore une inhumation remontant à l'époque romaine n'aurait-elle pas pu être faite après coup dans ce monticule, ainsi que nous l'avons fréquemment rencontré dans des dolmens. La présence d'un ou deux petits bronzes romains au milieu de cette centaine de squelettes ne prouve rien relativement à leur âge. Mais l'extrait ci-dessus prouve que là où on a remarqué des fragments de poteries romaines, il y en avait aussi qui appartenaient à la céramique celtique et qu'ils « étaient les plus abondants. » C'est qu'ici, comme presque partout, dans le Finistère, l'occupation romaine s'était superposée à une occupation beaucoup plus ancienne.

Qu'était cette occupation première ? La hache en pierre polie, de 35 centimètres de long, l'enceinte en pierres brutes et surtout « l'alignement de très gros blocs de pierre à cent mètres au sud des sépultures » nous font penser qu'il faut la faire remonter à l'époque néolithique, à laquelle appartiennent tant de monuments importants, dont les restes couvrent cette partie de la presqu'île de Crozon.

La façon dont les squelettes étaient orientés et disposés en terre, sous une éminence, avec des pierres fichées aux deux côtés de la tête et des pieds, nous font penser qu'ils sont bien ceux des représentants de cette première occupation. Ce qui nous le fait surtout croire, c'est que nous avons trouvé une disposition analogue dans des sépultures franchement néolithiques, à Parc-ar-Castel, en Tréguénec.

Etudions maintenant les crânes déposés par M. de Fréminville au musée anatomique de Brest.

Pour cela nous ne saurions mieux faire que de transcrire ici les observations de M. le docteur A. Corre, sur deux d'entre eux, le troisième étant en moins bon état de conservation. L'un d'eux est celui qui porte à l'arrière cette ouverture ronde qui est une trépanation préhistorique, d'autant plus intéressante, qu'elles sont très rares en Bretagne.

Le sujet qui subit cette horrible opération, sans doute faite par grattage, avec un instrument en silex, n'en mourut pas, quelque douloureuse qu'elle fut ; car les bords de l'ouverture du trépan se refirent avant la mort.

Paul du Chatellier

 

 

(1) A la fin de son Mémoire, M. de Fréminville dit : « On peut évaluer à quatre-vingt ou cent, le nombre des corps réunis au lieu où nous avons exécuté la fouille ».

 

(2) Sous les N° 110 à 116. — (Ancien catalogue).

La suite de l'article donne, en termes très techniques et mensurations précises, les observations du Dr Corre. Vous pouvez les retrouver ICI.

 

 

Source de l'article :

Société d'émulation des Côtes-du-Nord - Bulletins et Mémoires - Tome XXVIII (1890) par Paul du Chatellier sur Gallica

 

 

 

 

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