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1911

Pèlerinage des presqu'îliens
à Notre-Dame du Folgoët

un article du Courrier du Finistère

Le mardi 30 mai à deux heures du matin les clairons de l'harmonie éveillent les pèlerins qui pourraient s’oublier et la musique part à trois heures pour le Fret suivie par les pèlerins qui font gaillardement à pied les 6 kilomètres qui les séparent du vapeur. Le temps est splendide ni froid ni chaud, la brume qui nous entoure nous fait présager une belle journée. On s'embarque rapidement et en bon ordre et le spacieux et rapide le Crozon lève l’ancre à 4 heures emportant les 400 pèlerins de la presqu'île doublement heureux de la belle et bonne journée qui s'annonce. À bord se fait la distribution des insignes et manuels de pèlerinage. Elle est à peine terminée que nous doublons les jetées qui ceinturent le port de commerce [Brest].

Tout est calme et endormi sur ces quais d'ordinaire si mouvementés que nous ne sommes accoutumés de voir que grouillants de la fièvre intense des transits.

Prenant bien garde de ne point troubler le repos des habitants, nous passons comme des ombres dans ces rues désertes et montons vers la gare où nous attend le train spécial. Sans plus d'hésitation qu'au vapeur, chacun trouve sa place et à cinq heures le train part. Aussitôt la joie éclate, joie contenue jusque-là et qui ne risque plus maintenant d'incommoder qui que ce soit en se manifestant. Les cantiques se font entendre dans les wagons que les vallées traversées répercutent en longs échos.

A 5 h. 27 nous arrivons à Landerneau. La nécessité de prendre les trains de la ligne départementale oblige les pèlerins à un schisme douloureux, il faut changer de train et scinder le pèlerinage en deux parties. Mais bast ! les contrariétés de ce genre n'en sont pas pour les gens qui sont si loin de chez eux et auxquels la pensée du but qui se rapproche fait déjà oublier tout le reste. Le premier train arrive à Lesneven à 6 h. 25.

La procession s'organise immédiatement; en tête 50 hommes se groupent pour porter les bannières, les femmes font la haie de chaque côté, au milieu le groupe de l'œuvre mariale des jeunes filles de Crozon, les chanteuses sous leur bannière, plus loin le groupe formé par l'harmonie « À l'Immaculée », précédée de sa section de gymnastes nouvellement constituée, l' « Espérance de Crozon », derrière laquelle se rangent les ravissants et légendaires petits marins blancs, costumés comme l'on sait aux couleurs de l'Immaculée et dont la tenue impeccable fait déjà l'objet de la remarque des lesneviens. M. le chanoine Le Jacq, curé-doyen de Crozon, ferme le cortège assisté des membres de son clergé.

 


CROZON. L'Harmonie "L'Immaculée" - Photo J. Villard, Quimper.
Depuis 1903, cette fanfare crozonnaise, fondée et dirigée par l'abbé Leroy (à gauche) est de toutes les manifestations religieuses, sportives

et patriotiques de la presqu'île, et se déplace même jusqu'à Brest où elle remporte un vif succès en 1905, à l'occasion d'un grand concours musical.

 

 

Ces quelques dispositions sont à peine achevées que le deuxième train entre en gare à 6 h 35. Avec une régularité et un ordre qui méritent des félicitations, les pèlerins se rangent aux places assignées et la procession s'ébranle pour Le Folgoët aux sons d'une marche entraînante attaquée par les clairons au sortir de la gare.

Nous entrons en ville au chant du cantique approprié que l’auteur a adapté à l'air enlevant des pèlerins de Lourdes : « Nous venons encore » :

 

 

 

 

Nous venons vers vous

Mère au nom si doux

Vous dire en ce jour

De Crozon l'amour

A vous notre coeur Dame de l'Arvor

Nous n’avons que ce seul trésor.

 

 

 

 

 

 

Le coup d’œil est vraiment beau de cette procession qui déroule ses méandres à travers la place de l'église et les rues de Lesneven qui redisent en longs échos les syllabes sonores de notre refrain. La musique soutient le chant des cantiques pendant la route et exécute quelques défilés pour reposer les voix. On arrive au Folgoët à 7 h. 1/4. On salue la Vierge par les paroles du cantique qui traduisent bien nos intentions : Nous venons vers vous, vous dire en ce jour de Crozon l'amour. La messe de communion est célébrée par M. le curé de Crozon. Sur la figure extatique de ces pèlerins qui vont communier, on ne voit pas trace de la fatigue que leur ont coûté deux lieues faites à pied et trois heures de traversée par le train. Qu'il est donc beau et doux ce chant qui pendant la messe monte comme une prière vers la Dame du lieu :

Ar Graounis, o Guerc’hez a deu d’ho saludi

Tost d'ar chapel a garit pegen dous eo pedi.

A l'issue de la messe, qui se termine vers huit heures et demie, chacun doit s'ingénier à se caser pour se restaurer, en attendant la grand’messe on visite le sanctuaire, on est venu ici pour prier et on ne s'en prive pas. Prières ardentes, larmes d'amour répandues devant l'image vénérée, qui nous dira le bonheur que vous donniez aux heureux pèlerins !

Mais le temps passe ; les clairons infatigables lancent aux échos leurs joyeuses notes, un brillant défilé annonce en même temps que le carillon l'heure de la grand'messe. M. le chanoine Cozic, curé-doyen de Lesneven, la chante. Puis M. Moenner, principal du collège de Lesneven, monte en chaire et dans un breton académique dit la confiance que nous devons avoir en cette Dame du Folgoët, source de tant de grâces. Ces paroles empreintes d'une onction aussi douce que pieuse produisent sur l'auditoire le meilleur effet.

A l'Offertoire, chant du cantique Laudate Mariam, accompagné par l'harmonie, puis après la consécration quand Jésus est descendu au milieu de ses pèlerins salué par l'Hosanna Filio David, exécuté par l'harmonie, la foule lui dit son amour par le cantique Adoromb oll. La piété et l'enthousiasme se soutiennent en dépit de la fatigue et nos braves presqu'îliens ne semblent pas en ressentir les atteintes.

Après la grand'messe on déjeune hâtivement, quelques-uns esquissent même une fugue jusqu'à Lesneven mais tout le monde est là à l'heure pour les vêpres. On attaque les grands tons et pendant la bénédiction du Saint Sacrement qui suit, les chanteuses de l'œuvre mariale magistralement dirigées par la supérieure des Filles du Saint-Esprit font entendre avec les jeunes gens de la chorale le Lauda Jérusalem à trois parties. Le bon recteur du Folgoët dont l'accueil avait été si chaudement paternel pour les pèlerins de la presqu'île nous adresse du haut de l'autel quelques mots bien sentis pour nous dire ce que fit la Madone en ce lieu et nous inviter à garder le souvenir réconfortant de ce beau jour. C'est pour nous un au revoir qui ne sera peut-être pas sans lendemain.

A l'issue des vêpres on règle quelques préparatifs, on fait emplette de souvenirs et la procession dans le même ordre que le matin salue une dernière fois la Dame du Folgoët pour se rendre à Lesneven terminer la journée par un pèlerinage à Saint-Michel en visitant son sanctuaire. Les échos de la route poudreuse répètent le Patrounez dous ar Folgoët et les airs entraînants des défilés de l'harmonie et l’Immaculée.

On arrive à Lesneven au chant du cantique de la Journée que les pèlerins ne se lassent pas de redire, Nous venons vers Vous, avec sa strophe qui est bien nôtre : Sur notre presqu'île, Etendez la main, Rendez-nous facile, Du ciel le chemin...

Quand le cantique chanté pendant l'entrée des pèlerins à l'église a pris fin, M. le chanoine Cozic, curé-doyen de Lesneven, monte en chaire. Il est heureux de ce que les pèlerins soient venus terminer leur journée au pied de l'archange, serviteur de Marie pourrait-on dire, dans sa lutte contre le mal et les méchants. Pas n’était besoin de remercier les pèlerins de leur manifestation de foi dans votre église, Monsieur le Chanoine, n'ont-ils pas été récompensés les premiers de vous avoir fait plaisir à vous et à vos paroissiens ! Avant la bénédiction du T. S. Sacrement on chante l'Ave de la presqu'île, dont la mélodie suppliante et douce exhale un charme que la plume ne saurait dépeindre : Sur la presqu'île, Veille toujours, Fais-en l'asile, De ton amour. Ave, Ave, Ave Maria.

Les jeunes gens des deux œuvres réunis au pied de l'autel font entendre un magistral Tantum ergo exécuté à quatre parties et la cérémonie s'achève par le chant du Laudate Jerusalem.

Il reste encore deux heures à passer à Lesneven, c’est tout juste ce qu'il faut pour nous acquitter des nombreux devoirs de reconnaissance que cette journée nous a imposés vis-à-vis de ceux qui se mirent de si charmante façon à notre disposition.

La musique va saluer M. le Maire de Lesneven, notre compatriote, ensuite les enfants et jeunes gens de Crozon voués à l'Immaculée ne pouvaient mieux faire que d'aller saluer leur Patronne dans la maison d'éducation que la piété des Lesneviens lui a érigée sous forme d'école libre de filles. Enfin, pour que la fin couronnât l'œuvre, l'harmonie se rendit clairons sonnants au collège. C'était un plaisir à faire aux maîtres et aux élèves. Ce plaisir fut du reste partagé, c'était à prévoir, musiciens et gymnastes se redirent longtemps l'accueil qui leur fut fait au collège de Lesneven.

Mais l'heure s'avance, l'inexorable tambour-major fait un signe de sa haute canne, au geste, clairons et tambours s'ébranlent, entraînant vers la gare les pèlerins et les habitants de Lesneven qui tiennent à assister au départ de ces pèlerins dont la piété et l'enthousiasme les a édifiés.

Le voyage du retour se fait sans rien de saillant de Lesneven à Brest, mais nous ne fûmes pas peu surpris à notre arrivée en cette gare que de voir la foule qui nous y attendait pour nous escorter jusqu'au port. La manifestation religieuse avait pris fin à Lesneven, il ne nous appartenait donc pas d'en vouloir esquisser une autre, sujette à critique peut-être.

L'harmonie encadrée par la foule se rendit au port marchand aux accents de défilés entraînants. Puis le Crozon leva l'ancre à 7 h. 1/2 et de cette foule émue et heureuse monta l'hymne de la reconnaissance, le cantique de notre patronage dont les premières paroles furent saluées d'un long applaudissement par les 4.000 personnes massées sur les quais et même sur les bateaux à l'ancre qu'on avait pris d'assaut pour voir de plus près les Crozonnais.

Elle a passé trop vite semble-t-il cette journée pourtant longue qui commença à 2 heures du matin.

Pendant la traversée, chants, prières et musique alternent, puis au débarcadère on oublie qu'il y a encore six kilomètres à faire. Comme à la première heure le matin, la route se fait allègrement ; à l'entrée de Crozon, la procession se forme et au chant du cantique de la presqu'île se rend à l'église.

Tout Crozon est là, lorsque M. le Curé, fatigué sans doute, mais tout heureux du bonheur qu'un père donne à ses enfants, adresse du pied de l'autel ses remerciements à la Vierge pour les faveurs qu'Elle a accordées et à ses paroissiens pour la ferveur qu'ils ont montrée pendant toute la journée.

La journée fut bonne et nous le disions plus haut réconfortante, elle est de celle dont on parle longtemps à la table de famille. Les émotions qu'elles nous procura en effet sont de celles qu'on demande à revivre. Elles revivront, nous voulons l'espérer. La Vierge Marie qui nous bénit l'an dernier à Rumengol et nous retrouva cette année au Folgoët, nous sourira encore dans l'un quelconque de ses autres sanctuaires.

Toutes les personnes de réelle piété s'étaient mises à l'œuvre cette année pour susciter les pèlerins, leurs efforts n'ont pas été vains. Pourquoi donc a-t-il fallu que de ce concert unanime de bonnes volontés une note surgisse discordante* ? Après tout il faut se consoler a dit un penseur lorsqu'on ne trouve des ennemis ou des résistances qu'en faisant l'œuvre de Dieu. Le jugement en défaut est excusable, il cesse de l'être lorsque l'impressionnabilité personnelle affronte délibérément d'être en désaccord avec le sentiment de la généralité. Quand on détient le rôle de porte-drapeau à quelque chose noblesse oblige, ne serait-ce qu'à se taire.

Ceux qui ont goûté aux douceurs de la journée de mardi ne le regrettent pas, il leur reste à remplir un devoir de reconnaissance, celui de publier dans leur milieu les émotions personnelles vécues et senties, ce sera pour eux la meilleure façon de réaliser le désir qui les anime, aimer Marie et la faire aimer. Et maintenant que de ce jour nous gardons le souvenir le meilleur, redisons-lui, souvent avec la même ferveur que dans son sanctuaire :

Sur la presqu'île

Veille toujours

Fais-on l'asile

De ton amour.

Un pèlerin.

 

 

* nous n'en avons pas trouvé la trace...

Source

- Le Courrier du Finistère du 10 juin 199, trouvé sur le site des Archives Départementales du Finistère

 

 

 

 

 

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